L'inclusion en périnatalité, pas toujours facile! – LesPremiersMoments
L'inclusion en périnatalité, pas toujours facile!

L'inclusion en périnatalité, pas toujours facile!

L'inclusion en périnatalité, pas toujours facile!

Dans le monde de la périnatalité, on parle trop souvent de la dyade de parents comme la femme enceinte et de son conjoint. Ce portrait d’un couple hétérosexuel, cisgenre représente en effet une bonne partie des parents dans le contexte de la périnatalité, mais pas son entièreté. Qu’il s’agisse d’un couple homosexuel, d’un ou plusieurs parents transgenres, que la personne enceint.e ne s’identifie pas comme une femme cis, la réalité des familles au Québec a changé de portrait depuis les dernières décennies. Il serait logique de voir un suivi des lieux de naissances et des milieux périnataux par rapport à la réalité des familles, mais on remarque que malheureusement, ce n’est pas totalement le cas. J’ai rencontré 3 parents par vidéoconférences pour qu’iels me racontent leur vécu, leur opinion et leurs espoirs par rapport au système de la périnatalité au Québec.

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Il y a quelques semaines de cela, je fouille un peu sur Instagram, puis je trouve une page qui m’attire tout de suite : les.deuxpapas . Il s’agit de David et Julien, qui partagent un compte sur lequel on les voit se préparer à la venue de leur premier enfant : Béa, leur fille, qui verra le jour dans les prochaines semaines. Ils acceptent avec plaisir de me raconter leur parcours, qui n’est pas aussi simple qu’il en ait l’air. Cela fait maintenant quelques années que le couple caresse l’idée d’avoir un enfant. Julien a eu la chance d’avoir une collègue de travail qui avait le désir d’être une mère porteuse pour une deuxième fois, et qui a décidé de leur offrir ce merveilleux cadeau qu’est la parentalité. Je dis bel et bien ici « la chance », car David et Julien m’ont raconté qu’il n’est pas évident pour un couple homosexuel d’avoir un enfant. 

Vu la nature de leur couple, l’option de l’adoption à l’international est pratiquement impossible. Malgré que nous sommes en 2021, les droits des communautés LGBTQ+ ne sont pas acquis partout malheureusement. En effet, la plupart des pays qui ont des accords d’adoption international avec le Canada exigent le mariage hétérosexuel. Pour le Québec, cela prend plusieurs années et les démarches d’adoption sont plus complexes. Il faut passer par les Centres Jeunesse, et il est difficile de garantir une adoption définitive comme la majorité des nouveau-nés sont placés en famille d'accueil en premier. Ce n’était pas ce que David et Julien souhaitaient comme parcours. 

Il existe par contre des agences qui offrent des mères porteuses et gèrent tout ce qui englobe cette procédure (incluant le jumelage, la fécondation in vitro, le transfert d’embryon, etc.), mais moyennant des sommes qui dépassent les capacités financières de ce jeune couple dans la vingtaine. « Sans avoir connu directement notre mère porteuse, cela nous aurait pris des années [à accumuler l’argent] pour avoir un enfant! » explique Julien, qui ressent une injustice à devoir débourser 80 000 à 90 000$ pour pouvoir devenir papa. Ils ont également utilisé une méthode « maison » pour la fécondation, puisqu’une insémination d’embryon (sans passer par une agence) coûte près de 25 000$. Une autre injustice que le duo déplore, puisque pour un couple hétérosexuel qui ont de la difficulté à concevoir, la première insémination est gratuite (les suivantes sont toutefois payantes), mais ce passe-droit ne s’applique pas aux couples comme David et Julien. Pourquoi me diriez-vous? C’est une excellente question à poser aux cliniques de fertilité et au gouvernement provincial, qui a offert cette subvention en 2020.

Également, au Québec, pour que David et Julien soient légalement considérés comme les parents de Béa, il faut toute une procédure administrative, incluant un passage en cour, où la cause est traitée comme une adoption comme les autres. Pour eux, l’idée de ce parcours était compliquée, alors que le sujet était simple! Ils ont donc décidé de passer par l’Ontario, où le système reconnaît leur paternité à tous les deux, et ce, dès leur entrée à l’hôpital. Ils ont aussi la chance de pouvoir les deux être présents à l’accouchement (les mesure de covid obligent en zone rouge dans notre province de limiter l’accompagnement lors d’un accouchement à une seule personne, ce qui n’est pas le cas en Ontario).

Heureusement, malgré leur parcours qui n’était pas évident à établir à la base, les deux hommes sont confiants et ont plus que hâte de rencontrer leur fille.

Le 22 mai 2021, David & Julien accueillent Béa avec une grande joie!

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Quelques jours plus tard, de retour sur les réseaux sociaux, je prends contact avec Marie-Danièle (elle/iel) de la page Instagram feministe_nonbinairy_mom. Marie-Danièle, parent non-binaire qui a porté ses deux enfants, a accepté de me parler son parcours dans les milieux hospitalier et des maisons de naissances au Québec. Iel m’explique qu’iel a fait l’expérience d’un suivi avec une gynécologue pour Sasha son ainé.e en 2018, puis en maison de naissance pour Mika en 2020. Iel et son partenaire ont décidé d’offrir à leurs enfants une éducation libre dans les genres, afin qu’eux même puissent s’exprimer sur le sujet au moment venu.

Marie-Danièle se considère comme chanceux.se (pour certaines situations): iel est cispassing. Elle utilise le nom de « maman » auprès de ses deux enfants, ce qui est utile dans les cas d’urgence par exemple où aucune question n’est posée sur « qui est la mère/parent porteur biologique » tant souvent posé lors des rendez-vous médicaux ou les urgences par exemple. Cela a par contre son lot de lourdeur : Marie-Danièle doit se « outer1» à chaque fois . Il est très rare, surtout dans un contexte de rendez-vous pour une grossesse, où les professionnels vont poser la question (qui selon Marie-Danièle, devrait être obligatoire) : « quels sont vos pronoms ? » En effet, dans la majorité (si ce n’est 

pas tous) les lieux de naissances au Québec, le mot « femme » est employé pour désigner la personne enceint.e (par les professionnels, mais aussi dans les affiches, dans les salles de bain, jusque dans les documents médicaux).  Même si le milieu de la périnatalité se veut être un milieu féministe où on met l’accent sur le pouvoir du corps humain pour donner naissance, pour Marie-Danièle, « le féminisme c’est aussi de prendre conscience qu’il n’y a pas juste des femmes [qui portent leur enfant et qui utilisent ces lieux de naissance]».

Iel m’affirme qu’iel souhaiterait que ces cliniques de grossesses et lieux de naissances n’attendent pas que quelqu’un fasse une demande pour effectuer des changements dans l’utilisation des termes : c’est aussi ça, l’inclusivité. La visibilité des familles LGBTQ+ permettrait également de rendre le milieu des naissances plus adapté pour répondre à leurs besoins dans ce moment important de leur vie.

La Coalition des Familles LGBT offre justement des formations sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, qui peut vraiment éclairer sur les changements à apporter dans les différents milieux, me recommande Marie-Danièle, iel-même travaillant auprès d’eux. Travaillant moi-même dans différents lieux de naissances, je compte soulever le sujet et discuter de ces enjeux lors des prochaines rencontres d’équipe! Je vous invite à faire de même dans votre propre milieu de travail, ne serait-ce que soulever le sujet peut amener une discussion sur l’inclusivité dans votre lieu de travail!

Avec Les Premiers Moments, cela fait partie de notre mission et implication sociale de fournir un service inclusif que ça soit en accompagnement à la naissance, en post-natal ou par nos spécialistes. Rencontrer notre équipe pour trouver une personne qui pourra vous accompagner selon vos besoins!

 

Dalia Séguin
Doula et étudiante sage-femme

1 Se outer : faire son coming out, donc révéler son identité de genre ou son attirance sexuelle à une personne qui n’est pas au courant. Dans ce cas-ci, Marie-Danièle dit devoir révéler qu’iel est non-binaire à chaque professionnel qu’iel rencontre.